Après le pouvoir en management et les limites relationnelles, ce troisième volet de ma série “Manager avec la CNV” s’attaque à une émotion souvent taboue au travail : la colère.
Plutôt que la taire ou la réprimer, pourquoi ne pas en faire une alliée ?
La CNV offre une clé précieuse : reconnaître qu’“au cœur de toute colère, il y a un besoin insatisfait” (Marshall Rosenberg). Ce changement de regard transforme la colère en levier puissant pour améliorer nos relations professionnelles.

Réhabiliter une émotion mal aimée pour une coopération plus saine
Dans le monde professionnel, la colère fait peur. Elle est souvent perçue comme une perte de contrôle, une menace, une faiblesse. Alors on la tait, on la masque, on la refoule. Mais une colère niée ne disparaît pas : elle se fige, elle s’infiltre, elle revient sous forme de sarcasmes, de silences pesants, de conflits, de désengagement… ou de burn-out.
En Communication Non Violente (CNV), nous changeons de regard : la colère n’est pas un dérapage, elle est un signal précieux. Marshall Rosenberg disait :
“Au cœur de toute colère, il y a un besoin insatisfait.”
Une histoire vécue : de l’explosion à la coopération
Lors d’un atelier, un manager m’a raconté :
“En réunion, j’ai fini par exploser : ‘Vous ne respectez jamais les délais !’ J’ai vu leurs regards se fermer. Je savais que j’avais abîmé la confiance, mais je n’arrivais plus à contenir ma colère.”
Nous avons retravaillé la scène ensemble. Derrière sa colère, il y avait un besoin fort : fiabilité. La fois suivante, il a dit :
« Quand je reçois des dossiers après la date prévue, je me sens exaspéré parce que j’ai besoin de fiabilité et de clarté dans notre organisation. Est-ce que vous seriez d’accord qu’on prenne un temps ensemble pour réfléchir à un processus qui nous convienne à tous ? »? »
Résultat : la tension a baissé, la responsabilité a été partagée, et la coopération restaurée.
La différence ne tient pas aux mots seuls, mais à la posture intérieure : il n’était plus dans l’accusation, mais dans l’expression de soi et l’ouverture au dialogue.
Colère : alerte vitale, pas faute morale
La CNV invite à considérer la colère comme :
- une alerte (un besoin vital n’est pas nourri),
- une énergie qui peut être destructrice si elle déborde, mais féconde si elle est transformée,
- une opportunité de clarification dans les relations.
Thomas d’Ansembourg parle de la colère comme d’un “signal à écouter, pas une faute à sanctionner”.
Le rôle du manager : contenir sans étouffer
Réhabiliter la colère au travail ne signifie pas tout autoriser.
Le rôle du manager est double :
- Accueillir la colère comme une expression légitime d’un besoin (ni juge, ni sauveur, mais facilitateur).
- Tenir un cadre clair : pas d’agressions, pas d’humiliations, pas de débordements.
Exemple : un collaborateur explose :
“On n’en peut plus de ces injonctions contradictoires !”
Réponse possible :
“Tu sembles vraiment à bout. Est-ce qu’on peut prendre un temps pour que tu me dises ce qui t’épuise le plus et ce qui t’aiderait à retrouver un peu de souffle ?”
Ici, le manager ne se perd pas dans la colère de l’autre, mais il la reconnaît et la canalise dans un cadre d’échange adulte-adulte.
Le protocole CNV pour transformer sa colère (5 temps)
- Pause : respirer, différer la réaction automatique.
- Identifier ses jugements : “Il se fiche du travail…”
- Clarifier ses besoins : respect, fiabilité, reconnaissance…
- Exprimer ses sentiments et ses besoins de façon claire et assertive.
- Écouter la réaction de l’autre avec empathie.
La cinquième étape est essentielle : sans elle, la CNV reste un monologue “bien formulé”. Avec elle, la colère devient un vrai espace de rencontre
Pour les managers : une exigence de leadership
Accueillir la colère d’un collaborateur sans se sentir attaqué.
Exprimer la sienne sans détruire la relation.
Poser un cadre clair sans tomber dans l’autoritarisme.
Voilà une posture exigeante, mais c’est elle qui construit un leadership inspirant : authentique, crédible et profondément humain.
Pourquoi c’est stratégique
- Parce qu’une colère transformée prévient les conflits larvés.
- Parce qu’elle renforce la sécurité psychologique (facteur clé de performance).
- Parce qu’elle développe la maturité émotionnelle collective : condition d’équipes créatives et résilientes.
Favoriser une culture de la colère saine = booster la coopération
La colère n’est pas l’ennemie : c’est une boussole qui pointe vers des besoins insatisfaits. Mal gérée, elle détruit ; bien exprimée, elle restaure la coopération. La CNV offre un cadre pour transformer cette énergie en force constructive.
En donnant une place à la colère au travail, non seulement on permet aux équipes de s’exprimer pleinement mais, plus globalement, on sort du tabou des émotions dans le milieu professionnel. D’autant que les émotions sont une ressource précieuse pour les entreprises.
Pour permettre aux émotions d’exister au travail, les temps de régulation au sein des collectifs permettront de travailler sur les mécanismes d’écoute empathique et la posture adulte-adulte, tout en encourageant les feed-back sincères, cadrés, ritualisés.
Et vous ?
Comment accueillez-vous la colère aujourd’hui dans vos équipes : comme une menace, ou comme une alliée ?
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